Les événements rares qualifiés de cygnes noirs selon la théorie du même nom ont trois caractéristiques bien définies. Ils sont exceptionnels et hautement improbables, ils ont des effets ressentis profondément et à grande échelle, et, rétrospectivement, leur apparition peut facilement s’expliquer et aurait même pu être prévue. Ce que la théorie ne prévoit pas en revanche, c’est l’apparition soudaine de plusieurs cygnes noirs sans lien les uns avec les autres.
Avec la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, les événements exceptionnels et successifs se font ressentir partout dans le monde. Lesdits événements ont contraint les économistes à revoir leurs perspectives et ont éliminé tout espoir d’un retour à la normale du commerce international à court terme. Partout, les conséquences sont manifestes : l’inflation et les cours de l’énergie sont en hausse, les matières premières font défaut tandis que leur cours explose et que les chaînes d’approvisionnement sont affaiblies.
Ainsi, les entreprises se retrouvent exposées à des niveaux de risque économique inédits sur l’ensemble de leurs réseaux commerciaux. Pour faire face à la tempête, une bonne compréhension de l’envergure et du périmètre des risques politiques et économiques est nécessaire, afin d’évaluer la manière dont les mutations rapides du paysage affecteront les opportunités d’exportation de votre entreprise.
Toutefois, la situation requiert également de passer à l’action, c’est-à-dire de fournir des réponses agiles aux fluctuations de l’environnement qui pourraient impliquer, par exemple, de trouver des solutions alternatives pour faire face aux interruptions sur les couloirs empruntés par la chaîne d’approvisionnement. Alternativement, cela pourrait également impliquer de réduire l’exposition aux fournisseurs qui montrent des signes de faiblesse quant aux règlements des factures ou susceptibles de faire faillite. Quelle que soit l’action, l’objectif est clair : préserver les échanges, et ce, en dépit de l’incertitude, de sorte que votre entreprise traverse les turbulences actuelles et en ressorte indemne, voire avec un profil d’exportateur renforcé.
Nature et envergure du risque économique et politique actuel
Les ondes de choc macroéconomiques et géopolitiques qui affectent le commerce international se feront largement ressentir en 2022 et au-delà. Certaines régions et certains secteurs seront profondément affectés tandis que d’autres le seront moins. À tout le moins, votre entreprise doit s’assurer qu’elle peut accéder à des éclairages fiables qui vous aideront, vous et vos collègues, à comprendre l’envergure et le périmètre du risque économique et politique susceptible d’affecter votre organisation.
Ces événements ont entraîné une forte réduction de nombreuses prévisions économiques. Alors qu’il y a quelques mois, nos économistes avaient de bonnes raisons de croire à une reprise économique générale en raison de la dissipation progressive des effets du Covid-19, ils ont désormais revu leurs prévisions à la baisse à l’égard de la croissance mondiale (+3,3 % en 2002 contre +5,9 % en 2021). Ils prévoient en outre davantage de ralentissements en 2023 (+2,8 %). Cette image s’accompagnera d’une réduction des volumes d’échanges, à mesure que le ralentissement de la croissance mondiale affectera la confiance des entreprises et la demande. Pour l’année 2022, notre équipe prévoit une croissance des échanges commerciaux internationaux en volume de +4 % (une prévision inférieure de 2 points de pourcentage à celle émise avant la guerre), laquelle est légèrement inférieure à sa moyenne à long terme.
Quoi qu’il en soit, ce sont les différentes dimensions qui sous-tendent ces chiffres qui informeront nombre de décisions commerciales cruciales.
Le spectre de l’inflation
L’inflation incontrôlée devrait générer l’un des plus importants impacts. Alors que de nombreuses économies constataient déjà une hausse marquée des cours à l’échelle mondiale au début de l’année 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a renforcé cette tendance. Les cours de l’énergie qui avaient déjà bondi de +70 % par rapport à la moyenne de l’année 2021, la combinaison des perturbations sur les chaînes d’approvisionnement, les coûts des transports en hausse, et l’accès interrompu à certaines matières premières essentielles devraient continuer de stimuler l’augmentation des prix, dans la mesure où ceux-ci sont intégrés dans les coûts des biens et services.
À l’échelle mondiale, les entreprises devraient compter sur une inflation à 6 % en 2022, mais dans certaines grandes économies, elle devrait grimper beaucoup plus haut. Par exemple, le Royaume-Uni s’attend à une hausse de l’inflation à 8,7 % d’ici le 4e trimestre, un niveau historique depuis 40 ans qui contraste fortement avec l’objectif de la Banque d’Angleterre qui se situe à +2 %. En effet, plusieurs économies (dont l’Allemagne, première économie européenne) adoptent des stratégies élaborées pour contrer la perspective de plus en plus plausible d’une période de stagflation prolongée (faible croissance et forte inflation).
Préoccupations croissantes des directeurs commerciaux
Avant même que le niveau de risque macro soit relevé, les entreprises actives à l’international considéraient déjà l’inflation comme une problématique majeure qui les empêchait d’avoir pleinement confiance. D’après notre récent sondage « Allianz Trade Global Survey », mené auprès d’approximativement 3 000 entreprises répondantes réparties entre les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, l’Allemagne, la France et l’Italie, nombre d’entre elles subissaient déjà des pressions inflationnistes. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie, environ 40 % des répondants ont indiqué que le coût élevé de l’énergie affectait l’efficacité de leurs échanges internationaux.
Ces préoccupations relatives à l’inflation ont été renforcées par l’augmentation des coûts de transport, dans la mesure où deux tiers des sondés ont exclu toute perspective d’amélioration de l’inflation jusqu’à 2023, au plus tôt. Deux tiers des répondants s’attendaient à ce que les pénuries ou l’augmentation des coûts des matières premières nécessaires à la production de leurs biens et services aient des effets modérés, voire significatifs, sur leurs capacités d’exportation au cours de l’année 2022.
Ces niveaux de préoccupation ont néanmoins été substantiellement rehaussés à la suite de l’invasion russe en Ukraine. Les données de notre enquête de mars 2022 montrent que près de 80 % des entreprises en France, en Italie, au Royaume-Uni et en Allemagne s’attendent à des pénuries, et à ce que le coût élevé des intrants devienne un défi plus complexe, ou qu’ils se maintiennent aux niveaux élevés actuels cette année.