- Suite à l’invasion de l’Ukraine, la part des exportateurs prévoyant une hausse de leur chiffre d’affaires à l’export en 2022 a chuté de -16 pts globalement et de -20 pts en France.
- Les exportateurs français sont moins inquiets que leurs voisins européens quant à la hausse des prix de l’énergie, en partie grâce à l’application du Plan Résilience.
- 1 exportateur français sur 2 craint une résurgence du risque d’impayés en 2022, et 1 exportateur sur 3 s’attend à un rallongement des délais de paiement.
L’invasion de l’Ukraine perturbe fortement la reprise économique mondiale
Suite à l’invasion de l’Ukraine, nous avons réduit notre prévision de croissance du PIB mondial à +3,3% en 2022 et +2,8% en 2023, soit une réduction de -0,8 pt et -0,4 pt respectivement. Environ deux tiers de cette révision à la baisse sont dus aux chocs sur la confiance et les chaînes d’approvisionnement, et le reste à la hausse du prix des matières premières. L’inflation sera plus forte et plus durable qu’initialement prévu (6% en 2022, révisée à la hausse de +1,9 pt), du fait des prix élevés de l’énergie et des longues perturbations qui secouent les supply-chains depuis plusieurs mois maintenant.
« Les négociations actuelles entre l’Ukraine et la Russie pourraient déboucher sur un accord de cessez-le-feu. Mais elles pourraient également ne pas aboutir, et une nouvelle escalade n’est pas à exclure. Dans ce cas, qui impliquerait des sanctions et contre-sanctions encore plus dures, l’inflation mondiale pourrait atteindre 7% en 2022, et la croissance économique se limiter à +2,5%, avant une entrée en récession de l’économie mondiale en 2023 (-0,3%) », ajoute Ana Boata, Directrice de la Recherche Économique d’Allianz Trade.
Par ailleurs, nous estimons que la croissance du commerce mondial en volume sera limitée cette année à +4%, en-dessous de sa moyenne de long-terme. Les chocs sur la confiance et sur la demande provoqueront un recul des exportations vers la Russie et la zone euro de -480 Mds USD en 2022. Toutefois, les exportateurs nets de matières premières comme le Moyen-Orient et l’Amérique Latine profiteront des hausses de prix et d’un potentiel effet de substitution des énergies russes. En matière de coût des échanges, la hausse du prix du pétrole pourrait engendrer un nouveau point haut concernant les taux de fret au T2 2022 (+40% vs le précédent pic). Enfin, la persistance de l’épidémie Covid-19 en Chine, et la politique zéro-Covid menée sur place génèrent de nouveaux goulots d’étranglements et maintiennent les délais de livraisons des fournisseurs à des niveaux élevés.
Après l’invasion de l’Ukraine, l’optimisme des exportateurs européens et français s’effrite
Selon notre Allianz Trade Global Survey 2022, 2021 a été une année exceptionnelle pour les exportateurs : dans l’ensemble, 7 entreprises sur 10 déclarent avoir enregistré des performances à l’export plus élevées qu’attendu. Les Etats-Unis (75%) et l’Allemagne (76%) obtiennent le meilleur score à cette question, devant la France (72%). Toutefois, les exportateurs ont dû s’adapter à un nouveau contexte international caractérisé par de fortes perturbations des chaînes d’approvisionnement. En ce sens, en France, en Italie et au Royaume-Uni, un tiers des exportateurs a décidé de chercher de nouveaux fournisseurs. Aux Etats-Unis, un exportateur sur deux s’est concentré sur l’accroissement des stocks. En Allemagne, 39% des répondants ont décidé de se concentrer sur des marchés géographiques plus proches.
Qu’attendent les exportateurs pour 2022 ? À peine sortis de la crise Covid-19, ils doivent désormais composer avec les conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine. Avant cette invasion, les entreprises semblaient plutôt optimistes, et considéraient que 2022 leur offrirait encore plus d’opportunités que 2021 : elles étaient, au total, 94% à attendre une hausse de leur chiffre d’affaires export, avec les entreprises les plus optimistes en France et en Italie (97%). 79% des répondants prévoyaient même d’étendre leur activité internationale à d’autres marchés, avec un volontarisme particulièrement accru pour les exportateurs chinois (92%) et américains (84%), suivis en Europe par les italiens (77%) et les français (75%).
Mais l’agression militaire subie par l’Ukraine et les sanctions massives imposées à l’économie russe ont changé la donne. « Sans surprise, la guerre a affecté l’optimisme des exportateurs : la part des répondants prévoyant une hausse de leur chiffre d’affaires à l’export en 2022 est passée de 94% à 78% (-16 pts) suite à l’invasion de l’Ukraine. En Italie et en France, où les entreprises étaient les plus optimistes, respectivement 29% (+26 pts) et 23% (+20 pts) des exportateurs s’attendent désormais à une baisse de leur chiffre d’affaires à l’export en 2022. Même si l’Ukraine et la Russie ne sont pas des marchés finaux clés pour les exportateurs européens, la situation actuelle affecte les échanges internationaux via des canaux indirects (supply chains, matières premières, énergies), et pèse ainsi sur les opportunités export des entreprises », développe Françoise Huang, Économiste Senior en charge du commerce mondial chez Allianz Trade.
Les exportateurs français moins inquiet des prix de l’énergie que leurs voisins ?
La “grande réouverture” de l’économie en 2021 a été très mouvementée pour les entreprises, tant les perturbations des chaînes d’approvisionnement internationales ont engendré une forte envolée des coûts de transports et des prix de l’énergie. En effet, les exportateurs interrogés déclarent que les 5 risques qui ont le plus affecté leur croissance à l’export en 2021 sont l’incertitude quant à la demande du fait de l’épidémie Covid-19 (40%), les prix élevés de l’énergie (35%), les pénuries et le coût de la main d’œuvre (35%), le coût du transport (33%) et les pénuries d’intrants (30%). En France, les 3 risques les plus cités pour 2021 sont l’incertitude quant à la demande du fait de l’épidémie Covid-19 (35%), les pénuries et le coût de la main d’œuvre (33%) et les prix élevés de l’énergie (32%).
Les entreprises espèrent-elles un peu de répit en 2022 ? Même avant l’invasion de l’Ukraine, cela ne semblait pas être la tendance. Les prix de l’énergie étaient déjà cités comme l’inquiétude principale, avec plus d’un tiers des répondants à notre enquête (37%) estimant que cela deviendrait un défi encore plus important cette année. Les exportateurs italiens étaient 46% à estimer que les prix de l’énergie deviendraient un défi encore plus important en 2022. Ils étaient les plus inquiets en ce sens, suivis par les américains (38%) et les français (37%).
Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’inquiétude des exportateurs européens concernant les prix de l’énergie s’est renforcée. « Au total, 56% des répondants à notre enquête estiment désormais que les prix de l’énergie deviendront un défi encore plus important en 2022 (+19 pts par rapport aux réponses pré-invasion). Les pays les plus inquiets sont les plus dépendants des importations de gaz : l’Italie (66%, +20 pts vs pré-invasion), le Royaume-Uni (62%, +15 pts) et l’Allemagne (52%, +18 pts). La France témoigne de la hausse la moins élevée en la matière (46%, +9 pts), ce qui reflète la mise en place par le gouvernement du Plan Résilience », explique Ano Kuhanathan, Responsable de la Recherche Sectorielle chez Allianz Trade.
1 exportateur français sur 2 craint une résurgence du risque d’impayés en 2022
L’exposition des exportateurs au risque d’impayés semblent s’être récemment accrue : notre enquête montre qu’au total, les impayés ont eu un impact sur l’activité export d’environ 60% des entreprises, et plus particulièrement pour les entreprises françaises (66%), chinoises (65%) et américaines (58%). De plus, malgré le fort rebond économique constaté en 2021, les liquidités accumulées par les entreprises et la solide reprise du commerce mondial, 50% des répondants à notre enquête déclarent qu’ils ont observés des délais de paiement plus long en 2021. Les exportateurs français sont 62% à aller dans le même sens.
Le risque d’impayés restera d’ailleurs un vrai sujet pour les exportateurs en 2022 : avant l’invasion de l’Ukraine, au total, 1 exportateur sur 3 s’attendait à une hausse des délais de paiement et à une résurgence du risqué d’impayés cette année. Suite à l’invasion de l’Ukraine, et à ses conséquences sur l’économie mondiale, plus de la moitié des répondants s’attendent désormais à une résurgence du risque d’impayés en 2022, et 40% des répondants s’attendent à un rallongement des délais de paiement. En France, 49% des entreprises s’attendent désormais à une résurgence du risque d’impayés en 2022, et 33% à un rallongement des délais de paiement.
Financement : nos exportateurs misent sur les prêts bancaires, la trésorerie et le soutien public
Finalement, la crise Covid-19 n’a pas engendré de mouvement massif de relocalisation en 2021. Mais la majorité des entreprises interrogées lors de notre Allianz Trade Global Survey 2022 préfèrent toujours produire dans leur pays (79%). C’est plus particulièrement le cas pour les entreprises chinoises (89%) et allemandes (79%), légèrement moins pour les exportateurs français (75%) et britanniques (74%).
Comment les entreprises financeront-elles leurs ambitions de croissance en 2022 ? La trésorerie est la principale source de financement citée par les exportateurs (53%), devant les prêts bancaires (49%) et le crédit fournisseur (36%). En France, les trois principales sources de financement citées sont les prêts bancaires (52%), la trésorerie (49%) et le soutien étatique (35%).
Soutien public : les entreprises françaises veulent développer les compétences des salariés
Notre enquête révèle qu’une majorité d’exportateurs a reçu un soutien étatique lors des 12 derniers mois (54%), particulièrement en Chine (70%) et en Italie (60%). En France, en revanche, seuls 42% des répondants déclarent avoir reçu un soutien public en 2021. Globalement, 68% des répondants estiment que ces soutiens les ont aidés à survivre à la crise, contre seulement 57% en France, qui obtient le score le moins élevé en la matière.
Qu’est-ce que les entreprises attendent désormais de la part de leurs gouvernements ? « Comme plusieurs pays souffrent actuellement de pénuries de main d’œuvre, 44% des exportateurs français, 45% des exportateurs allemands et 53% des exportateurs italiens attendent de leurs gouvernements qu’ils implémentent des politiques d’amélioration des compétences des salariés. Par ailleurs, après plusieurs années de protectionnisme américain et une année de Brexit, près de la moitié des entreprises américaines et britanniques veulent que leurs gouvernements négocient de nouveaux accords de libre-échange », répond Ana Boata.